Vendredi Noir


Cette fiche a été réalisée à partir d’informations fournies par les chercheurs de Forensic Architecture et des extraits de leur rapport.

Le 1er août 2014, Israël et le Hamas se sont entendus sur un cessez-le-feu humanitaire de 72 heures qui devait débuter à 8h du matin le même jour. Trois semaines après qu’Israël ait entamé une offensive militaire contre la bande de Gaza, des milliers de Palestiniens qui s’étaient réfugiés dans des abris ou chez des proches se préparaient à retourner dans leurs foyers pendant la trêve anticipée des hostilités.

Peu de temps avant le cessez-le-feu, une unité israélienne a procédé à un encerclement d’une zone au sud-est de Rafah où, selon eux, un tunnel avait été localisé . Selon le témoignage d’un soldat israélien recueilli par l’organisation israélienne Breaking the Silence (BtS), le but de l’incursion était « de détruire entièrement l’infrastructure du tunnel encore existante. Si vous y pensez vraiment, cela signifie en fait chaque maison et chaque structure agricole de la zone  ». Un combat avec des tirs a suivi, entraînant la mort de deux soldats israéliens et d’un combattant palestinien . Les combattants du Hamas ont capturé un officier israélien, le lieutenant Hadar Goldin, et l’ont emmené dans un tunnel. Ce n’est pas très clair si des combats ont eu lieu avant ou après 8 heures du matin.

Ce qui suivit devint un des épisodes les plus meurtriers de cette guerre ; une utilisation intensive de la puissance de feu de la part d’Israël, qui dura quatre jours et tua de nombreux civils (les rapports varient de 135 à plus de 200), blessa encore plus et détruisit ou endommagea des centaines de maisons et d’autres structures civiles, principalement le 1er août.

Breaking the Silence, reposant sur des témoignages de soldats, nous apporte d’importants détails supplémentaires sur le Vendredi Noir (en anglais : Black Friday) de Rafah. Un soldat israélien a témoigné que milles obus ont été tirés ce matin là (BtS, témoignage 60, p. 145) et un autre – que pendant trois heures son unité tirait de l’artillerie à capacité maximale sur des zones habitées.

La directive Hannibal

La directive Hannibal était un ordre opérationnel secret de l’armée israélienne destiné à riposter en cas de capture d’un soldat israélien par les forces armées d’organisations non-gouvernementales.

L’armée israélienne a élaboré cette directive peu après que le Hezbollah, parti politique avec une branche armée basé au Liban, ait capturé deux soldats israéliens dans le Liban-Sud en juin 1986. L’armée israélienne exposa l’existence de la directive en 2003 et quelques-uns de ces principes de bases furent depuis discutés dans les médias israéliens.

Dans le cas où un ou plusieurs soldats israéliens seraient capturés, la directive Hannibal autorise les commandants israéliens sur le terrain à activer les tirs d’artillerie et des frappes aériennes sur l’ensemble de la région où s’est produit l’enlèvement, sans demander la permission aux quartiers généraux, ce qui serait exigé dans d’autres circonstances. « L’enlèvement doit être contrecarré à tout prix, même celui de frapper et de nuire à nos propres forces », déclare la Directive, selon les rapports des médias israéliens. Cependant, la Directive ne reconnaît apparemment pas l’augmentation potentielle du risque porté aux civils par une telle approche.

Au delà des formulations officielles de la directive, l’armée israélienne semble avoir développé une « tradition orale » où l’ont fait comprendre aux soldats que la mort des soldats capturés est préférable à ce qu’ils soient pris en vie. Selon cette interprétation, les dommages que peuvent causer un captif sont considérablement plus élevés que la mort d’un soldat. En 1988 un officier israélien fut enregistré alors qu’il donnait des instructions à ces soldats : «  Un soldat des Forces de Défenses Israéliennes a été kidnappé » ne fait plus parti de notre lexique ; nous devons contrecarrer l’enlèvement à tout prix même si cela signifie cibler notre propre soldat. Nous préférons que notre soldat soit touché plutôt qu’il soit entre leurs mains ». En 1999, Shaul Mofaz, alors chef d’état-major des forces de défenses israéliennes, expliqua : « Dans un certain sens, malgré toute la douleur que cela implique, un soldat capturé, en comparaison à un soldat qui a été tué, est un problème national. »

Le 28 juin 2016, les médias locaux et internationaux ont rapporté que le Chef d’état-major général de l’armée israélienne, Gadi Eisenkot, a révoqué la Directive Hannibal et ordonné la formulation d’une politique alternative.

Pour plus d’informations à propos du Vendredi Noir, regardez cette vidéo d’Amnesty Internationale (sous-titrée en français) : (link)

Rapport du Vendredi Noir de Forensic Architecture

Le rapport du Vendredi Noir est une collaboration entre Forensic Architecture et Amnesty International, dans le but de fournir une reconstruction détaillée des évènements ayant eu lieu à Rafah dans la Bande de Gaza du 1er au 4 août 2014, reposant principalement sur du matériel trouvé sur les médias sociaux.
Pour plus d’informations sur leur travail, suivez ce lien : http://www.forensic-architecture.org/case/rafah-black-friday/